Le bébé qui refusait sa naissance

Voici l’histoire de Florent venu à ma consultation à son 7ème jour.

Il vient avec son papa et sa maman. Le motif de l’appel est : « pleurs et cris incessants ».

De fait, mis à part les premières 24 heures, Florent est sans arrêt en cris et en pleurs. Le calme revient un peu pendant les repas. Le bilan médical à la maternité est normal.

Devant cet enfant que rien ne console et ne calme, très vite, les parents sont désemparés… les voisins mécontents !

L’appel téléphonique de la maman est un appel au secours, débordant d’angoisse et de désespérance.

 

L’arrivée de Florent au cabinet est remarquée car très bruyante. Bref, cet enfant semble très en colère.

L’examen médical et l’examen ostéopathique ne révèlent aucun problème particulier. Il n’y a pas de contraintes crâniennes pouvant expliquer un mal de tête, tout au plus, une tension dans la nuque et le haut du dos.

Je commence alors un traitement par rapport à cette tension, et, quel que soit la position de mes mains, quel que soit la posture du bébé, rien ne se passe. Florent est toujours pleurant et hurlant.

Il arrive un instant où je commence à penser que je ne vais rien pouvoir faire pour cet enfant.

Je suis assis à califourchon sur ma table de travail, c’est ma position préférée pour traiter les enfants. Florent est dans mes mains, je le porte, une main sous la tête, l’autre sous le bassin. Il me fait face.

Ses parents sont assis à côté. Ils ont un contact permanent avec lui.

C’est alors que je demande à nouveau à la maman de raconter la naissance.

C’est avec une sorte de « cri du ventre » qu’elle répond du tac au tac : « de toutes façons il ne voulait pas venir, il a fallu aller le chercher » !

Instantanément, mes mains ont perçu comme une rétraction des tissus du bébé, comme si Florent avait envie de se recroqueviller. Il entend les paroles de sa maman et sa réponse est faite en langage corporel.

Mes mains ont suivi ce mouvement de rétraction dès sa perception. Elles se sont rapprochées. Très vite, Florent s’est compacté, tassé sur lui-même. Ce mouvement a imposé un demi-tour de telle sorte que le bébé se retrouve collé contre moi, son dos contre mon ventre. Ma main sur sa tête a quasiment rejoint ma main sur son bassin. Autant que les tissus l’autorisent, j’accompagne ce mouvement de compaction.

Au bout de quelques secondes, cet enfant qui criait et pleurait depuis sa naissance, cet enfant inconsolable, s’est tu… et s’est endormi…

Je ne sais combien de temps a duré cet instant d’immobilité. Nous l’appelons en ostéopathie « Still point ». Je sais seulement qu’il fallait attendre et ne rien faire. Je me rappelle le regard du papa et de la maman ; je sais qu’ils ont pleuré de soulagement.

Je ressens toujours une grande émotion lorsque je raconte cette histoire.

Pendant cette période d’immobilité, Florent a résolu sa colère. C’est vrai, il ne voulait pas venir. L’avoir forcé avait déclenché son refus. Sa rage se déversait sur tout ce qui l’entourait.

Avoir accompagné physiquement ses émotions dans une compaction tissulaire lui a permis de trouver une autre respiration. C’est un peu comme s’il se réconciliait avec le monde.

Lorsque cet instant d’immobilité et de calme est arrivé à son terme, j’ai senti entre mes mains l’enfant se détendre complètement, un bras, une jambe, puis les quatre membres se sont relâchés. Florent s’est progressivement réveillé. Il m’a regardé au fond des yeux.

Le traitement était terminé, il pouvait revenir dans les bras de ses parents et accepter sa naissance.

Je crois que cet enfant a beaucoup de caractère. Il est très volontaire et ne mâchera jamais ses mots dans la vie.

Sa croissance sera libre et sans contrainte car le refus d’être né s’est transformé dans l’apaisement d’être accueilli.